Lise Vigeant

Lorsque je suis dans mon atelier, je fais le tour visuellement de ce qui s’y trouve. Bien entendu, mes tubes de peinture acrylique, mes toiles vierges qui attendent dans leur coin, mes bacs qui débordent, sont tous à leur place respective. Un contient des bouts de bois ou éléments naturels ramassés lors de mes randonnées dans la forêt. Dans un autre, j’y trouve des papiers de toutes sortes, puis le gros, là-bas, sous ma table de travail contient plusieurs pièces de métal, rouillées, de préférence. Mes tissus, mes bouts de fil, de ficelle, mes pots de colles, sont disposés ici et là. Je suis, plus souvent qu’autrement, attirée par mon rouleau de bandelettes de plâtre.

Ce sont souvent ces bandelettes qui, en premier lieu, sont disposées sur mon support. Je leur donne la forme que le mouvement de mes mains opère. Sans beaucoup plus de préparation, je commence, sur un fond préalablement peint, à étaler les couleurs.

Je suis particulièrement attirée par la texture de l’œuvre et suis très souvent étonnée des résultats. Tout dernièrement, j’ai commencé à percer quelques toiles et à en arracher les chutes. Ce qui me permet de travailler le support comme une sculpture. J’y incorpore ficelle, moustiquaire, métal, jute. J’amalgame plusieurs matériaux et je fais de belles découvertes. Oser, est mon leitmotiv. Rien ne se perd dans mon art, tout, au contraire se récupère. Je n’y vois jamais d’erreur irréparable, mais des points de départ pour aller un peu plus loin.

Oser, m’amène à ne jamais anticiper le résultat, mais à y participer entièrement. Je ne sais jamais comment mon projet artistique va se terminer et ce, même si, parfois, je pars avec une intention de dénonciation (austérité, bâillon, liberté réprimée, démocratie affaiblie, etc,). C’est pour moi, une façon toute personnelle de m’engager. Enragée par certains aspects sociétaux, je traduis avec émotion mes états d’âme. C’est la nature et le résultat de mon art engagé.

Lorsque je suis en contact avec mon travail de création, j’entre entièrement dans le processus qui m’accompagne et j’y laisse toute la place. Ce processus qui m’est propre et qui s’exprime si bien par la lenteur de mes mouvements, par besoin d’enracinement ou, au contraire, par la vivacité de ceux-ci, par besoin d’évacuer de façon urgente ce qui me déplaît. Voilà, en quelques phrases, toute la beauté de ma démarche artistique.